Page:Segalen - René Leys.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

16 juillet 1911. — Il est à peu près l’heure du dîner que je retarde inconsciemment tous les jours. Le voici qui se fait annoncer, et s’excuse avec empressement. J’excuse tout, j’ai tout compris : il se prépare un nouvel attentat. Après la bombe, quoi ? Le poignard ? ou bien le… ?

Comme il s’agit peu de cela ! J’ai parlé vite : il achève froidement :

— Je suis très occupé par mes élèves. Nous sommes en pleine période d’examen. Soixante copies à corriger en deux jours !

Je m’incline, désappointé, devant le Bon Professeur, revenu. On mange sans appétit par ce crépuscule brûlant.

Va-t-il, pour conclure, me prendre pour exutoire des amours de son père ? Pour témoin de sa carrière d’orphelin manqué répudiant l’auteur ingrat de ses jours ?

Il m’épargne cette avanie… De nouveau, nous baignons dans le silence tiède de la nuit, et sa voix changée prend le timbre de fer d’une certaine cloche que je sais, rouvre une certaine porte que j’ai déjà franchie grâce à lui…