Page:Segalen - René Leys.djvu/147

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qui s’en viennent à un, deux, trois, jamais plus de quatre, me demander inopinément à déjeuner ?

Ils seraient charmants et fructueux, si j’avais un jour espoir de parler un peu de leur langage… Mais c’est d’avance à s’arracher sept fois la langue de la bouche ! Ils éructent un son mécanique où je n’entends plus rien de l’accent du Mandarin du Nord…

— Nous parlons Shanghaïen, daigne m’expliquer René Leys, qui semble, en ce nouvel aquarium verbal, se mouvoir autant à son aise qu’un poisson à gros yeux et quadruple queue parmi les herbes apprivoisées de ma vasque !

Enfin, lui et ses amis, se trouvent si naturellement en confiance chez moi, que j’aurais mauvais gré à ne pas m’y sentir bien, aussi. Au lever de table, la conversation devient tout à fait indistincte. De temps à autre, René Leys résume en deux phrases françaises, à mon usage, l’essentiel de ce qui vient — peut-être — de se dire.

Mes hôtes s’en vont « après l’orage » qui, régulièrement, dans cette saison des « grands chauds », ne manque point de crever à une heure ou deux après-midi. Lui, n’apparaît plus de tout le jour, et de toute la nuit, avant une heure que nul contrôle paternel ne pointe, mais, — si j’en juge par l’air entendu des domestiques, — s’approche excessivement du lendemain…