Page:Segalen - René Leys.djvu/184

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— Je vois. Je sens. Je crois. Je suis imparfumé… Mais, nous sommes en été. Qui vous a dit combien cela sentait bon ?

Lui, très simplement :

— Elle.

Il demeure un instant rêveur, éperdu. Et cela lui va tout à fait bien.

— Savez-vous ce que nous disons lorsque nous nous… couchons l’un près de l’autre ?

Je souris. Et, à mon tour, délicatement :

— Cela s’appelle en chinois : « les paroles de l’oreiller ! »

— Non ! Nous parlons tous deux… d’autre chose… de… n’importe quoi.

— Je vous envie… Je vous félicite aussi de pouvoir ainsi demeurer seul avec elle…

— Seuls ? Mais pas du tout !

Et il s’étonne de ma question, de mon envie. Seuls ? Et les Eunuques, impossibles à écarter ? (Et qui d’ailleurs comptent si peu !) Et les servantes ? Les « petites servantes empressées » dont parlait déjà, voici trois mille années, le Livre des Odes, et qui, depuis lors, ne cessent de rendre, en tout lieu, de jour et de nuit, leurs services méticuleux à la Princesse, qu’elles ne quittent pas plus que les satellites leurs Étoiles-Maîtresses…

Je le félicite de demeurer ainsi parfaitement littéraire et traditionnel. À sa place, je serais un peu moins à l’aise.