Page:Segalen - René Leys.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

hasard les impressions de la jeune acceptée, — par ordre, — mais je dois dire que celles de l’acceptant lui ont donné ce je ne sais quoi de victorieux et de sûr qui s’attache aux fermes conquêtes…

Et, longtemps, la promenade se prolonge, mielleuse comme un voyage de noces, alanguie comme un retour de confidences…

… Bon ! encore un méfait de son cheval ! Cette bête endiablée a peur de tous les trous. J’avoue que l’écart est admissible, ici : à travers la campagne où nous trottons, elle a failli mettre le pied dans un puits ! Toute la terre du Nord est ainsi : elle donne l’eau et suce les vivants par des bouches sans lèvres, sans margelles… À ma surprise, il n’a point cravaché son cheval. Il dit, comme un enfant qui s’accuse :

— Pardonnez-moi : c’est moi qui ai fait l’écart. J’ai eu peur… Que voulez-vous ! Je songe que douze de mes meilleurs policiers sont déjà tombés là-dedans !…

Alors, son visage change. L’heureuse expression de ses yeux fiers devient tragique. Il me surprend, et, à brûle-pourpoint :

— Voulez-vous me promettre d’exécuter mon testament ? Je vous confie ce que je voudrais qu’on fasse, si je meurs. Vous prendrez dans ma maison les deux grandes vasques de porcelaine qu’il m’a données. Ensuite, vous direz que je suis tombé dans le canal, — ou que j’ai pris le Transsibérien… Ensuite, vous irez à la Banque Chinoise,