Page:Segalen - René Leys.djvu/206

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que j’ai bien joué — c’est tout ce qu’il me faut, — devant vous. Mais je dois jouer devant Elle…, après-demain.

Elle ? Et je répète indiscrètement tout haut :

— Devant Elle… Laquelle ? Devant qui ? René Leys n’hésite vraiment pas.

— Devant ma « Première ». L’ « autre » n’a rien à demander.

Heureux et victorieux jeune homme, qui numérote ses amours ! Que la polygamie règne au milieu des plus saintes fonctions de l’État ! Je ne l’aurais point imaginée réduite en ses facteurs impériaux à la seule arithmétique. Et pourtant, René Leys a raison. Par décence, la jeune concubine offerte, acceptée, possédée, demeure le numéro deux inscrit en sa colonne dans cette comptabilité nouvelle.

Et sérieusement, je voudrais le prendre à parti, le réduire au même dénominateur, aux mêmes facteurs, mais… révolutionnaires ! Qu’est-ce que l’on dit au Palais de ce qui se passe de nos jours — de ces jours que nous vivons, — dans la triple ville de Wou-tch’ang, Han-Yang et Hang-K’eou ?

Mais il s’en va, d’un pas léger, ayant baissé le rideau sur le spectacle. (Geste intraduisible en langue de théorie chinoise !) Il a conscience d’avoir très bien « rempli » « son rôle devant moi ». Il est assuré de jouer sans crainte désormais, pour Elle. Il s’en va, d’un pas satisfait.