Page:Segalen - René Leys.djvu/255

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Mais, à dix-sept ans ! Car depuis que je le connais voici tout juste dix mois ! il n’a même pas changé le chiffre de ses années ! tant de choses en si peu de jours !

Et il avait eu ce geste et ce mot : « Tout est à recommencer ! » Il était de force à le faire : même si la fortune mandchoue tombait à plat, et il était de jeunesse à retailler entièrement la sienne dans les « milieux Européens »… cette prodigieuse facilité d’assimilation… son don des langues : parlant anglais, pékinois, shanghaïen, cantonais et pidgin à volonté… En quelques autres mois, sur ma recommandation, il pouvait entrer dans une banque, même honorable… et pour un fils d’épicier, — n’oublions pas, — se créer sa situation. Pourquoi ne s’est-il pas ouvert à moi ? Je l’aurais certainement tiré de là !

Alors, il s’est empoisonné : par dépit d’amour ? Il n’a jamais été très amoureux. Que faisait-il loin d’Elle, durant la nuit qui devait être la Grande Nuit Tragique !

C’est pourtant au lendemain même de cette nuit qu’il est mort. Au lendemain du moment où j’ai, pour la première fois, douté de lui ; où je l’ai mis en cause, directement… où j’ai failli ne pas le croire… où il a vu ses « histoires », sa merveilleuse histoire contestée… sa parole mise en doute !

Dans ce cas, il aurait fait usage de « feuilles d’or », mort impériale… et tout à fait de la couleur de ses