Page:Segalen - René Leys.djvu/32

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Alors, le cavalier est un nerveux ! Au lieu de calmer sa bête, il se déplace à tort et à travers : il regarde autour de lui les murs de haut en bas, — puis, à sa droite, un parapet… — la route passe là sur un talus qui fait le gros dos… il cherche… — enfin, il se redresse : tiens ! C’est mon Professeur.

Je suis pris en faute. L’ « Observatoire » et le « Pavillon d’angle » sont juste à une lieue d’ici, — et, qui plus est, à l’opposé diagonal du point géographique où nous nous rencontrons ! Mais, lui-même ?

Il me salue très poliment, sans étonnement et sans honte. Son cheval calmé tout d’un coup prend naturellement la direction et l’allure du mien, comme s’il visait la même écurie. J’hésite un peu :

— Vous ne m’aviez pas dit que vous montiez à cheval.

— Oh ! je fais sortir les chevaux de mon père.

— Il me semble un peu « sur l’œil » celui-là ?

— Il a peur de tout. Il m’a jeté par terre huit fois.

— Pourquoi le montez-vous ?

— C’est le plus amusant…

Au même instant, le cheval a volté, s’est jeté sur le mien, puis sur moi, les lèvres démasquant un furieux râtelier… Il glisse fort à propos sur une dalle, fait deux cabrioles, reçoit une magistrale volée, et, tout en reniflant, daigne se tenir tranquille. J’ai été fort bousculé. Mon Professeur, droit en selle, excuse sa bête…