Page:Segalen - René Leys.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans son enfance d’assez troublantes apparitions… vraies ou fausses… Il ne regarde point du même côté que moi dans ce monde : car maintenant, par-dessus mon épaule, il donne toute son attention à ce qui se passe derrière moi, et… je voudrais bien me retourner.

Enfin, j’accepte, — sans l’approuver, sans le féliciter, — qu’il redoute la solitude. Et soudain je m’explique ses changements d’allure et de voix quand la nuit se fait… À coup sûr, ce Professeur est peu banal. Une idée me vient, pleine de curiosité pratique : ma maison chinoise est vaste ; ses bâtiments disséminés dans leurs séries de cours carrées… On lui fera mettre un lit de voyage dans les pavillons de l’ouest. Il aura son couvert à ma table, et j’aurai à mon service, ou presque, un excellent professeur. Assez occupé au dehors, il ne m’encombrera guère.

Sympathique, ce garçon-là, très sympathique tout d’un coup, malgré ses gaucheries, ses enfantillages, ses épiceries, ses épouvantes… Je lui offre donc à coucher et à manger chez moi. Et cela est proposé, accepté, conclu, ordonné, en moins de mots qu’on ne peut dire. En vérité, tout cela semblait préparé d’avance.

En me quittant, il n’a rien dit de plus que tous les jours. Il sait donc être réservé. Ceci, encore, est très bien.