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13 mai 1911. — Je n’ai pas dormi. Du moins, je somnole dans le grand jour, quand mon cuisinier lui-même, à l’heure dite, mais terriblement matinale aujourd’hui, vient indécemment me rappeler que j’ai « deux hôtes » à dîner ce soir.

J’ordonne de confiance un menu « soigné ». Et je me souviens péniblement d’avoir, il y a trois ou quatre jours, prié madame et maître Wang de m’accorder, au repas de ce soir, leurs précieuses présences.

J’ai peut-être été mal élevé : il y a de ces clichés établis : jamais un Chinois n’exhibe son épouse… Et, d’emblée, je la fais venir chez moi ! Le certain, c’est qu’il a très cérémonieusement accepté. J’avais grande envie de voir de près ce rutilant et décoratif objet qu’on nomme d’un peu loin dans la rue : « une femme Mandchoue », — même vieillie sous le harnais (je n’oublie pas que celle-ci a servi sous notre second Empire) —, ni que c’est par ses intrigues basses que son Époux professe depuis à l’école des secrets Policiers du Palais !

Ce même matin, reçu cette lettre indéchiffrable, mais couramment lue par mon boy : « Maître Wang,