Page:Segalen - René Leys.djvu/72

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C’est le onzième qui suit mon cours. Celui-ci est le sixième.

— Pardon ! et ce « troisième », là-bas, qui va crever mon stylographe en l’écrasant comme un pinceau chinois ?

— Lui ?…

René Leys se rapproche de mon oreille, et y déverse respectueusement :

— C’est le premier fils du prince Kong !

Oh ! Oh ! voilà qui est précis et important. Que ce jeune homme dévaste mon bureau, s’il daigne ! C’est le premier fils du prince Kong ! — Et je me récite, comme un paragraphe du Gotha chinois, les alliances et les convols du vieux Mandchou célèbre pour ses négociations d’il y a cinquante ans, victorieuses au milieu de la défaite, sur les « ruines fumantes du Palais d’Été ». (Monument désormais historique.) « Premier Fils »… historique, également. Mais quelle étonnante disproportion d’années entre lui et son père ! Il porte cet âge éternel — de vingt à trente-cinq — de tous les Chinois ou Mandchous ou Mongols qui ne sont pas très vieux.

— Je vous ai amené mes amis, dit enfin René Leys, parce que rien ne vaut une conversation multiple pour enseigner vite une langue ; et surtout, afin que nous les retrouvions ce soir, à Ts’ien-men-waï… s’il vous convient d’y aller.

Ce soir même. Entendu. La comparaison sera fraîche entre ma dame mandchoue, d’hier, et nos