Page:Segalen - René Leys.djvu/90

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— Elle se refuse à lui, par mon ordre. Il l’aura, quand je voudrai.

C’est prononcé dans la solitude immensément allongée des remparts du sud de la Ville Tartare, où nous rentrons enfin chez nous. C’est dit comme il parle presque toujours : d’un ton naturel et simplement comme l’expression de ce qui est. — Je n’ai vraiment aucune objection à faire. Je n’ai plus rien à lui demander.

C’est à moi seul que, tout au long du chemin silencieux de retour, je pose pour la première fois cette question, de moi seul à moi :

— Qui est ce garçon, ce jeune Belge, qui défend aux Princes Mandchous la possession de leurs futures concubines ? Qui protège et défend les virginités chinoises et l’emporte sur dix mille taëls d’argent pur ? Est-ce à prix d’argent lui-même ? (Il m’a semblé toujours fort économe, et, hormis son traitement qu’il rapporte en entier à son père, je sais bien qu’il n’a pas le sou.) Ou bien, s’est-il acquis sur cette fille impubère et naïve quelque pouvoir de fascination… Ce qu’il m’a laissé voir de son enfance : flammes apparues, visions prémonitoires… en font un nerveux, et peut-être… Non. « Pureté Indiscutable » me semble posséder une immarcescible santé de corps et d’esprit.

Alors, ni force d’argent, ni charmes occultes. Restent ses charmes, ou plutôt son charme apparent : C’est un beau garçon, sans conteste. Même les hom-