Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/108

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Chantent l’aise qu’ils ont d’être hors du danger.
Ainsi de tes Troyens la bouillante jeunesse
Pousse sur tes vaisseaux de hauts cris d’allégresse,
Soit qu’ils baissent la voile, ou jettent l’ancre au bord,
Soit que le vent en poupe ils entrent dans le port.
Marche, suis cette route » A ces mots, la Déesse
De ses rares beautés étale la richesse :
De ses cheveux épars s’exhalent dans ces lieux
Les exquises odeurs que respirent les Dieux ;
Sa robe se déploie, et la fait mieux paraître ;
Sa démarche divine enfin la fait connaître ;
Son fils la voit qui fuit avec tous ses Amours,
Et la poursuit dans l’air avecque ce discours :
    « O mère trop charmante, et plus cruelle encore,
Pourquoi te déguiser à ton fils qui t’adore ?
Que ne m’est-il permis de te voir quelquefois,
Et d’ouïr les vrais sons de ta céleste voix ? »
    Alors avec Achate, il marche vers Carthage ;
Mais Vénus, en marchant les couvre d’un nuage,
D’un air qu’elle épaissit par un secret pouvoir,
Afin que voyant tout, nul ne les puisse voir ;
Et s’envole soudain la mère des délices,
Rappelée à Paphos par mille sacrifices,
Dans ce Temple où toujours quelque Amant irrité
Accuse dans ses vœux quelque jeune beauté.
    Guidé par le sentier, le Troyen s’achemine ;
Et bientôt sur sa route, il trouve une colline
Qui commande la Ville, et découvre à ses yeux
Du Temple et du Palais le faîte audacieux.
Il voit les hautes remparts s’élever dans les nues,
Il arrive à la porte, entend le bruit des rues,
Il contemple attentif ces magnifiques toits,
De malheureux Pêcheurs cabanes autrefois.
    Ardent à son labeur, le Tyrien s’empresse ;