Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/110

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Les portes font gronder l’airain qui les soutient.
Là sa douleur se calme, et là son cœur commence
A se laisser flatter d’une douce espérance ;
Car pendant qu’en ce temple il promène ses yeux
Sur la riche matière, ou sur l’art curieux,
Il voit peintes par ordre autour de ses murailles,
Du fameux Ilion les sanglantes batailles.
Des Atrides il voit le couple belliqueux,
Achille encor plus brave et terrible qu’eux ;
Il voit le vieux Priam, et saisi de tristesse,
A son fidèle Achate, en ces mots il s’adresse :
    « Quel climat aujourd’hui n’est plein de nos travaux ?
Jusqu’en ces bords lointains on a pleuré nos maux ;
On y prise l’honneur, espérons, et peut-être
Le bruit de tant d’exploits nous y fera connaître. »
Sur ces divers tableaux, sources de ses douleurs,
Il arrête ses yeux humides de ses pleurs.
Dans le premier qui s’offre il voit les Grecs en fuite ;
La jeunesse Troyenne est âpre à leur poursuite ;
Dans cet autre, à son tour le Phrygien s’enfuit,
Jusqu’aux portes de Troie Achille le poursuit.
    Non loin campe Rhésus, le jeune Roi de Thrace,
Qui de secourir Troie avait conçu l’audace ;
On voit dans ce tableau son sort infortuné ;
On y voit Diomède au massacre acharné,
Et les fameux coursiers enlevés de leur tente
Avant qu’ils eussent bu l’eau fatale du Xanthe.
    Là transpercé d’un dard, Troïle désarmé
Fuit devant son vainqueur de colère enflammé ;
Renversé de son char, enfant trop imbécile
Pour oser faire tête au redoutable Achille,
On le voit emporté de ses chevaux fougueux
Par terre, et dans son sang traînent ses blonds cheveux.
D’une main toutefois il serre encore les rênes :