Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/112

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tout justement,
Prompte à la récompense et lente au châtiment ;
Divisait le travail, égalait l’avantage,
Ou par le sort en faisait le partage :
Quand Enée aperçoit la fleur de ses Troyens
Dans le nombreux concours des peuples Tyriens ;
Il reconnaît Anthée, et Sergeste, et Cloanthe,
Ses chefs naguère épars par l’horrible tempête.
    Achate à cet objet rappelle ses esprits,
Et de crainte et de joie également surpris,
Impatient de voir quelle est leur aventure,
Il brûle de sortir de la nuée obscure ;
Car il voit après eux redoubler la rumeur,
Il entend jusqu’au ciel retentir la clameur.
Mais il est retenu par le prudent Enée
Qui veut prêter l’oreille au sage Ilionée :
Ce vieux Chef se prosterne et parle au nom de tous ;
D’un ton grave il s’exprime, et d’un air noble et doux :
    « Reine qui tiens soumis à ton sceptre équitable,
Dans ta ville naissante, un peuple formidable,
De malheureux Troyens par les vents agités
Implorent à tes pieds tes divines bontés :
Accorde une retraite à nos troupes errantes,
Et sauve nos vaisseaux des flammes dévorantes.
Portons-nous dans les yeux l’audace, ou la fureur ?
Pouvons-nous, fugitifs, inspirer la terreur ?
Contraints d’abandonner notre chère patrie,
Nous cherchions par les mers l’ancienne Hespérie,
Italie est le nom qu’elle tient aujourd’hui
D’un Héros autrefois sa gloire et son appui.
Quand pour signe assuré d’une horrible tempête,
L’orageux Orion des flots lève la tête :