Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/113

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Soudain l’onde s’émeut, et nos pâles nochers
Sont jetés sur les bancs, poussés sur les rochers.
D’une flotte nombreuse après ce grand orage,
Quelques vaisseaux à peine abordent ce rivage
Que ton peuple, ennemi de l’hospitalité,
Nous refuse l’asile et le port souhaité.
Rebutés de la mer, il nous défend la terre ;
Nous demandons la paix, il nous livre la guerre.
Si l’on méprise ici le pouvoir des humains,
Pour punir les forfaits les grands Dieux ont des mains.
Au nom de notre Roi, le généreux Enée,
(Si toutefois des vents la rage forcenée
Dans les ondes n’a point son sort précipité)
Au nom de ce Monarque illustre en piété,
Fameux par sa valeur, fameux par sa justice,
Reine, plains nos malheurs et deviens-nous propice.
Aceste, digne sang des Monarques Troyens,
Règne encore avec gloire aux bords Siciliens.
Permets-nous d’équiper notre flotte brisée ;
Souffre que rejoignant sa force divisée,
Guidés par notre Roi sous de meilleurs auspices,
Nous arrivions enfin aux rivages Latins ;
Ou si nous conservons une espérance vaine
D’être encor commandés par ce grand Capitaine,
Que du moins implorant Aceste ce bon Roi,
Nous puissions nous ranger sous sa loi. »
    C’est ainsi que parla le sage Ilionée.
Il s’élève un bruit sourd et sa troupe étonnée
Frémit en attendant l’effet de ses propos ;
Didon baisse la vue, et répond en ces mots :
    «Calmez ces vains soucis, et bannissez la crainte ;
A ces dures rigueurs, Troyens, je suis contrainte :