Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/117

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Didon de le voir.
Il commande surtout qu’aussitôt il envoie
Les plus riches présents sauvés des feux de Troie,
La couronne, le sceptre, et le royal atour
Dont brillait Ilione au grand et triste jour
Que l’asservit Hymen aux lois d’un Prince avare ;
Le voile magnifique, et la riche simarre,
De la charmante Hélène ornement précieux,
Quand de tous les Troyens elle éblouit les yeux,
Ce jour pour eux fatal qu’elle entra dans Pergame,
Y traînant après elle, et le fer, et la flamme.
    Achate vers la flotte avançait à grands pas.
Vénus qui n’a pas moins de ruses que d’appas,
Méditait cependant un étrange artifice.
Sachant de Cupidon l’adresse et la malice,
Elle crut qu’aisément l’Enfant maître des Dieux
Pourrait prendre d’Ascagne et la taille et les yeux,
Imiter sa parole, et son air, et sa grâce,
Porter sans être vu les présents en sa place,
Et pénétrer Didon d’un violent amour.
Car mille soins divers la troublent nuit et jour :
Elle connaît Junon, et redoute sa haine,
Le Tyrien menteur, et la Cour incertaine.
Donc au Tyran des cœurs elle s’adresse ainsi :
    « Mon fils, ma seule force, et mon plus cher souci,
Dont les traits plus puissants que les traits du tonnerre
Sont redoutés du Roi du ciel et de la terre ;
Ta Mère, mon Enfant, t’implore en ses malheurs ;
Tu sais combien Junon m’a fait verser de pleurs.
De rivage en rivage elle poursuit ton frère ;
Toi-même je t’ai vu pleurer de ma misère.
Il reçoit à Carthage un traitement plus doux ;
Mais l’altière Junon le voit d’un œil jaloux,