Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/119

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Dans cent flacons divers vient la liqueur des treilles ;
Cent vierges ont le soin des mets délicieux,
Et de nourrir le feu des domestiques Dieux ;
Autant servent la table, autant de jeunes pages
Portent aux conviés les différents breuvages.
Sur des lits peints, assise au-dessous des Troyens,
Brille au festin royal la fleur des Tyriens ;
Tous admirent Enée, et sa magnificence,
L’esprit du feint Ascagne, et son aimable enfance,
L’éclatante simarre, et le voile sans prix.
Mais surtout de Didon les beaux yeux sont surpris :
Dévouée au malheur de son destin funeste,
Ses regards dans son cœur coulent l’ardente peste.
    Après avoir montré par mille embrassements
Des tendresses d’un fils tous les faux sentiments,
Amour passe vers elle, et dans ses bras s’enlace ;
Elle le prend, le baise, et doucement l’embrasse,
Malheureuse qu’elle est de ne connaître pas
Combien est dangereux ce Dieu rempli d’appas.
Sans se faire sentir, préparant sa victoire,
Il efface Sichée, et sa triste mémoire ;
Et par Vénus instruit, tâche de rallumer
Ce cœur devenu tiède au doux plaisir d’aimer.
Sur la fin du repas, on s’anime à la table ;
On vide les flacons du nectar agréable ;
La joie épand le bruit, et par diverses fois
Le palais retentit d’un cri de mille voix.
Cent lampes du lambris animent la peinture,
Et l’artiste travail de la lente sculpture ;
Des flambeaux redoublés la brillante clarté
Dissipe de la nuit l’épaisse obscurité.
La grande Reine alors, selon l’antique usage,
Prend la coupe, et l’emplit de l’excellent breuvage,
La coupe de Bélus, où maint saphir reluit ;
Puis prononce