Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/215

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J’implore ta faveur, rends-nous le ciel serein. »
Il dit, et du fourreau comme un éclair soudain,
Il fait étinceler son glaive redoutable ;
Et d’un tranchant revers il en coupe le câble.
D’une commune ardeur, soldats et matelots
Se courbent sur la rame, et font bruire les flots ;
On quitte le rivage, et la plaine inconstante
Semble au loin se couvrir d’une forêt flottante.
Du lit du vieux Tithon l’Aube sort en riant,
Et blanchit de ses traits les portes d’Orient.
A son premier éclat l’impatiente Reine
S’élance de son lit, et sur l’humide plaine
Du haut de son palais attachant ses regards,
Voit le havre désert, et les vaisseaux épars
Sur le mobile azur du décevant empire,
Voguer la voile enflée au gré du doux Zéphire.
Trois fois de son beau sein l’ivoire meurtrissant,
Et sur ces blonds cheveux sa fureur exerçant :
« Dieux ! Il s’enfuit, dit-elle, et Reine méprisée,
D’un indigne étranger je deviens la risée ?
Et tout mon peuple armé sur mille grands vaisseaux,
N’ira pas abîmer sa flotte sous les eaux ?
Aux armes, à la voile, et qu’on s’empresse aux rames,
Qu’on porte dans ses nefs les dévorantes flammes.
Que dis-je, où suis-je ? Hélas ! et quel est mon transport ?
Tu ressens maintenant la rigueur de ton sort,
Malheureuse ! Il fallait montrer ce grand courage
Quand de ton sceptre Amour te fit lui rendre hommage.
Voilà donc cette foi, ce cœur tendre et pieux,
Qui cherche par les mers un asile à ses Dieux ;
Qui pour ravir son père au Grec impitoyable,