Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/214

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Cependant le Troyen de sa fuite certaine
Ayant dans son esprit disposé l’appareil,
Cédait sur sa galère aux charmes du sommeil,
Quand le Courrier des Dieux, ou sa vivante image,
Se représente encor sous le même visage.
Le Héros crut revoir tous ses jeunes attraits,
L’or de ses blonds cheveux, et son teint, et ses traits ;
Qu’enfin semblable en tout au Messager céleste,
Il le pressait ainsi de ce départ funeste.
« Tu dors, fils de Vénus, tu peux fermer les yeux
Au danger qui partout t’environne en ces lieux ?
Ecoute les Zéphyrs, qui de leur douce haleine
Rappellent tes vaisseaux sur l’inconstante plaine.
Dans son cœur embrasé d’amour et de fureur,
La Reine ne conçoit que carnage, et qu’horreur.
Fuis, puisque tu le peux, une désespérée
Qui sans étonnement voit sa mort assurée.
Bientôt ses feux vengeurs brilleront dans les airs,
Bientôt sous ses vaisseaux écumeront ces mers ;
N’attends de son courroux qu’injustice et qu’outrage,
Si l’Aurore te trouve encor en ce rivage ;
Pars, vole, et te dérobe à ses emportements :
La femme est redoutable en ses prompts changements. »
Il se perd à ces mots dans l’obscurité sombre.
Le Héros se réveille à l’aspect de cette ombre,
Et troublé de l’effroi qui pénètre son cœur,
Dans sa troupe répand une sainte terreur.
« Aux rames, compagnons ; que l’on tende les voiles ;
Du plus haut de la voûte où brillent les étoiles,
Pour la seconde fois un Dieu vient m’avertir
Que le grand Jupiter m’ordonne de partir.
Qui que tu sois, ô toi son ministre fidèle,
Je te suis, et je vole où ton ordre m’appelle ;