Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/217

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Et la mort, s’il succède, a pour moi cent douceurs.
Hérite de ma haine, ô ma chère Carthage,
Conçois contre sa race une implacable rage.
Si tu veux honorer mon triste monument,
Qu’en foule tes enfants y prêtent le serment
De n’écouter jamais alliance ni trêve,
Et de périr plutôt que la guerre s’achève.
Qu’il naisse de ma cendre un illustre vengeur,
Qui contre ses neveux ranime ma fureur ;
Par le fer, par le feu, qu’il désole leur terre,
Et leur fasse éprouver tous les maux de la guerre ;
Qu’au rivage ennemi, ce rivage opposant,
Que de tous ses efforts ma haine éternisant,
Vaisseaux contre vaisseaux se brisent sur les ondes,
Et de meurtres épais enflent les mers profondes ;
Qu’enfin l’âpre fureur de ces combats affreux
S’augmente dans le cœur de ses propres neveux. »
Après ces tristes mots, la Reine furieuse
Ne songe qu’à quitter la lumière odieuse,
Et son cœur est saisi d’un transport violent.
De son premier époux la nourrice appelant,
(Depuis longtemps la sienne à Sidon était morte)
Elle cache sa rage, et parle de la sorte :
« Si tu veux soulager ma cuisante douleur,
Sage et chère Barcé, fais avancer ma sœur :
Dis-lui que se lavant d’une eau coulante et claire,
Elle fasse hâter l’appareil du mystère,
La victime choisie, et les dons préparés ;
Toi-même orne ton front des bandeaux consacrés.
Pour guérir mon esprit, il faut que j’accomplisse
Du ténébreux Pluton le fatal sacrifice :
Je veux pour ce cruel le bûcher allumant,
Y brûler son image, et charmer mon tourment. »
La vieille accomplit l’ordre, et sa tendresse ardente
Lui fait précipiter