Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/218

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sa démarche tremblante.
A ce premier succès du penser sombre et noir
Que fomente en son cœur un morne désespoir,
Didon pâle et farouche, interdite, éplorée,
Dans sa tête roulait sa prunelle égarée ;
La mort sur son visage imprimait tous ses traits :
Enfin d’un cours rapide au fond de son palais,
Sur le haut du bûcher vole la triste amante,
Et tire du Troyen la lame étincelante,
Don qu’elle n’obtint pas pour ce cruel dessein.
Là coulent à grands flots ses larmes sur son sein
Quand son regard s’attache à ces marques funestes,
De son tragique amour les pitoyables restes.
Se jetant sur son lit, enfin son triste cœur
Par ces derniers propos exhale sa douleur :
« Gages de mon amour, dons si chers à mon âme
Quand le sort et les Dieux approuvèrent ma flamme,
Finissez mes ennuis, modérez mes transports,
Et recevez l’esprit qui va quitter mon corps.
C’en est fait, et j’achève au gré de la fortune
Le triste et dernier jour d’une vie importune ;
Du mortel esclavage ayant brisé les fers,
Mon Ombre triomphante ira dans les enfers.
J’ai poussé jusqu’au ciel ma ville florissante,
L’ouvrage de mes mains a passé mon attente ;
J’ai vengé d’un époux l’indigne assassinat,
D’un frère j’ai puni l’exécrable attentat,
Heureuse si jamais par de cruels orages,
La flotte des Troyens n’eût touché nos rivages. »
Sur le lit elle tombe après ces tristes mots ;
Mais reprenant soudain ses funestes propos :
« Mourir sans se venger ? Mourons, mourons, dit-elle,
Portons mon triste amour dans la nuit éternelle ;
L’ingrat