Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/16

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utiles que toi. Je saurai labourer, herser, piocher, bêcher, faucher, faire des fagots, mener des chevaux.

Gaspard, haussant les épaules.

Ça te fera une belle affaire, tout ça. Tu resteras toujours un pauvre paysan, bête, malpropre et ignorant.

Lucas.

Pas si bête, puisque je serai comme mon père, qui est joliment futé et qui sait, tout comme un autre, faire un bon marché ! Pas si malpropre, puisque j’ai le puits et la mare pour me nettoyer en revenant du travail ; et toi, avec ton encre plein les doigts et le nez, tu ne peux seulement pas la faire partir. Pas si ignorant, puisque je saurai gagner mon pain quand je serai grand, et faire comme mon père, qui place de l’argent. Tu n’en feras pas autant, toi.

Gaspard.

C’est ce que tu verras ; je deviendrai savant ; je ferai des machines, des livres, je gagnerai beaucoup d’argent, j’aurai des ouvriers, je vivrai comme un prince.

Lucas.

Ah ! ah ! ah ! le beau prince ! Prince, vraiment ! En sabots et en blouse ! Ah ! ah ! ah ! Nous voici arrivés. Place à M. le prince !

Lucas ouvre la porte de l’école en riant aux éclats, et fait entrer Gaspard en répétant :

« Place à M. le prince ! »