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Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/89

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« La vache ! la vache bringée ! s’écria Thomas. Vendue, emmenée !… Une bête qui vaut plus de trois cents francs ! Et je l’aurais eue pour deux cent cinquante-trois ! Faut-il avoir manqué cette affaire, faute de savoir lire ! Et toi, Lucas, qui fais le paresseux, le fainéant ! N’es-tu pas honteux de ne pas savoir lire à ton âge ? Depuis quinze mois que tu vas à l’école !

Lucas.

Mais, mon père, j’y manque plus souvent que je n’y vais.

Le père Thomas.

Et pourquoi manques-tu ? Pourquoi ne fais-tu pas comme Gaspard, qui n’y manque jamais, lui ? À la bonne heure ! En voilà un qui met son temps à profit. Avec lui, on n’est jamais embarrassé ! Il en sait plus long que tu n’en sauras jamais, imbécile. Les mois d’école ne sont pas de l’argent perdu, au moins.

Lucas.

Comment, mon père, mais c’est vous-même qui me faites toujours rester pour travailler à la ferme ! Vous savez bien que ce n’est pas pour flâner et paresser que je ne vais pas à l’école ; et vous ne vous êtes jamais plaint de mon travail, que je sache. C’est dur d’être grondé et traité de fainéant, quand on fait ce qu’on peut et que c’est pour mieux faire qu’on ne va pas à l’école. »

Le pauvre Lucas pleura amèrement.

La mère.

Thomas, tu n’es pas juste. Lucas dit vrai ; c’est