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Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/95

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Lucas.

Jadis n’est pas aujourd’hui.

Thomas.

Pourquoi cela ? Aujourd’hui comme jadis, tu es ce que tu étais, un âne, et rien de plus.

Lucas.

Voilà pourquoi il vaut mieux que je ne dise rien. Il n’y a rien à gagner à causer avec un âne.

Thomas.

Tais-toi. Tu ne sais dire que des insolences ou des sottises. »

Lucas était content d’avoir taquiné son père ; c’était une petite vengeance de la vache bringée, mais il n’osa pas aller plus loin, et ils continuèrent à marcher sans dire mot.

Ils arrivèrent enfin après trois heures de marche. Ils mangèrent du pain et des œufs durs qu’avait apportés le père Thomas. Le cidre était échauffé ; le père Thomas avait de l’humeur ; ils burent de l’eau. Lucas aurait bien voulu aller voir dans les champs de la Trappe les bestiaux renommés pour leur beauté ; mais lorsqu’il demanda à son père la permission de l’accompagner dans les herbages :

« Je n’ai que faire de toi, répondit le père Thomas. Repose-toi ; tout aussi bien, comme tu ne parles plus, je n’ai pas besoin d’attendre ton avis. »

Le père Thomas partit, laissant au pied d’un arbre le pauvre Lucas, triste et fatigué. Il ne tarda pas à s’endormir. Quand le père Thomas fut de re-