Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/106

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— Belle famille à montrer à la foire ! etc., » disaient des gamins en éclatant de rire.

Simplicie et Innocent n’entendaient rien, ne s’apercevaient de rien ; Prudence commençait à comprendre qu’on se moquait de quelqu’un ; elle crut que c’était du Polonais. Cozrgbrlewski voyait bien que ses trois compagnons étaient ridicules ; il n’osait rien dire, mais il voyait avec inquiétude quelques gamins s’obstiner à les suivre ; d’autres gamins grossissaient leur cortège à mesure qu’ils avançaient. Ils arrivèrent ainsi jusqu’au Pont-Neuf. Les rires des gamins avaient fait place aux huées ; Prudence et les enfants s’aperçurent enfin que c’était eux qu’on suivait, que c’était d’eux qu’on se moquait. Prudence s’arrêta tout court au milieu du pont, et se retournant vers son escorte :

« À qui en avez-vous, polissons ? De quoi riez-vous ? Qu’avons-nous de drôle ?

— Ha ! ha ! ha ! répondirent les gamins.

— Voulez-vous vous en aller et nous laisser tranquilles ! Je ne veux pas qu’on se moque de mes jeunes maîtres, entendez-vous ?

— Ha ! ha ! ha ! répondirent encore les gamins.

— Monsieur le Polonais, chassez ces gamins.

— Comment, madâme, vous voulez que je fasse ? ils sont beaucoup.

— Faites comme à votre Ostrolenka ; chargez-les, faites-leur peur. »