Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/85

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— Ce sont nos protecteurs, nos sauveurs, reprit Prudence avec vivacité.

— Entrez tous, continua la bonne, en jetant toutefois sur les Polonais un regard de méfiance.

— Sac à papier ! sabre de bois ! vas-tu me laisser aller, toi, l’amour des chiens ! » cria une voix presque masculine.

Au même instant, la porte du salon s’ouvrit, et Mme Bonbeck fit son entrée tenant par les oreilles un superbe épagneul qui sautait sur elle et gênait sa marche.

C’était une femme de soixante-dix ans, sèche, vigoureuse, décidée, taille moyenne, cheveux gris, tête nue, petits yeux gris malicieux, nez recourbé, bouche maligne ; l’ensemble bizarre et conservant des restes de beauté.

« À bas ! l’amour des chiens ! Va embrasser tes nouveaux compagnons ! Bonjour, Simplette ; bonjour pauvre Innocent ; bonjour, dame Prude. On vous a annoncés hier soir ; je vous attendais ; je n’ai pas été vous prendre à la gare, comme le demandait mon frère, parce que j’avais de la musique… chez moi, mais j’ai bien pensé que vous vous tireriez d’affaire sans moi. Ah ! ah ! ah ! quelles mines vous avez !… Allons donc, n’allongez pas vos visages ! Sont-ils rouges ! sont-ils drôles ! Et vous autres, grands nigauds ! Des Polonais, pas vrai ? Je vous reconnais, mes gaillards. Allons, entrez tous chez la