Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/260

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À Auray, la ville envoie chercher de l’eau à une lieue et on la distribue aux habitans, à deux litres par tête. On n’a pas souvenir dans le pays d’une pareille disette d’eau. Nous autres, aux Nouettes et à Livet, nous ne sommes pas dans cette pénurie, à cause des étangs, des mares, des ruisseaux et petites rivières qu’on trouve partout, surtout à Livet. – J’ai été prise avant-hier de la nouvelle épidémie qui a atteint presque tout le monde à Kermadio ; des crampes d’estomac et maux de cœur. Aujourd’hui je vais bien ; hier soir j’ai pu manger et je ne me sens que cette grande faiblesse ou fatigue qui ne me quitte pas depuis près d’un mois ; mais la cause première étant mes soixante-neuf ans, il n’y a pas à la combattre, ni à s’en inquiéter…

Je ne t’ai pas envoyé la photographie que tu as demandée, parce qu’elle serait inutile ; où se verrait-on? Où se rejoindrait-on[1] ? Elle a déclaré vingt fois que pour tout l’or du monde elle ne se marierait pas comme sa sœur ; qu’elle voulait bien connaître les goûts, les habitudes, les antécédens, le caractère de l’homme qu’elle épouserait et qu’elle aimait cent fois mieux ne pas se marier du tout qu’épouser un inconnu, ou un sot, ou un mauvais sujet, ou un mauvais cœur, ou un flâneur inoccupé, ou un avare, etc., etc. Elle répugne beaucoup à quitter N… elle sent combien elle lui manquerait, et la pensée de l’isolement de sa mère détruirait le bonheur qui lui viendrait de son mari. Elle sera donc très difficile à marier comme tu vois parce qu’elle n’en a pas envie.

  1. Il s’agissait d’un projet de mariage.