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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Kermadio, 9 décembre 1870.


Chère petite, on ne sait pas ce qui s’est fait, ce qui se fait, ce qui se fera ; on sait seulement que la main de Dieu est encore levée sur nous, mais une heure, un moment suffit pour nous délivrer et nous ne tarderons pas à l’être bien certainement, malgré Gambetta et Cie. En attendant, te voilà encore bloquée loin de Livet, car je ne vois pas de passage pour t’en retourner chez toi, puisqu’il faut passer par Tours, menacé par les hordes prussiennes. Je tremble pour Poitiers ; on m’assure que ce n’est pas probable ; Poitiers ne mène à rien et leur projet est de ne pas pousser plus bas que Tours… Je m’inquiète de toi, de ton émigration, de l’isolement au pauvre Jacques ; que deviendra-t-il si les Prussiens brûlent, saccagent, bombardent la ville ? Et toi !… Les voilà à Rouen ; puissent-ils être forcés d’en déguerpir bientôt, pour se diriger en fuyards sur l’Allemagne. Je vais assez bien ; je me préoccupe seulement de vous tous, mes pauvres enfans et petits-enfans. Que Dieu vous protège ! prier est le seul secours que je puisse vous donner à tous. – Adieu, ma chère pauvre petite ; ménage bien tes yeux ; Jeanne m’écrit des lettres très détaillées et très gentilles ; tu peux parfaitement la charger de ta correspondance.


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