Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/291

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AU VICOMTE ÉMILE DE PITRAY


Kermadio, 9 janvier 1871.


Cher Émile, j’ai reçu ta lettre avant-hier, celle qui m’annonçait les Prussiens à Laigle ; heureusement qu’une lettre d’Anatole et le journal de Rennes nous ont appris en même temps leur départ après un séjour de quelques heures seulement près de vous tous. J’espère qu’ils n’ont pas emmené M. Rouyer[1] pour le punir du refus de leur donner 10 000 francs qu’ils demandaient. Je t’envoie la dernière lettre de mon petit Jacques ; tu y trouveras quelques détails sur sa sortie de trois jours ; garde-moi cette lettre ; je garde toutes celles de Jacques ; tu me la rendras à Livet. – Rien n’avance du côté de Paris et les vivres diminuent ; que fait donc notre brave Trochu ? Il ne gelé plus pourtant ; on dit que la boue empêche de faire marcher les canons. Si le dégel gêne les mouvements de l’artillerie, et si la gelée empêche ceux des hommes, Paris mourra d’inanition avant le retour du beau temps. J’espère toujours pourtant ; le bon Dieu finira par écouter les prières des siens et par tirer vengeance des impies et des scélérats !



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  1. Maire de Laigle, admirable de courage, de sang-froid et d’énergie.