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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Kermadio, 1 février 1871.


Chère enfant, la honteuse paix signée par Jules Favre avec Bismarck a du moins l’avantage pour toi de rétablir les communications et de t’ouvrir la route de Livet ; j’ai eu hier par Anatole de bonnes nouvelles du pays. Émile allait bien…. Mais quel coup de foudre que ce traité signé ! Trochu n’a pas paru dans tout cela, heureusement pour son honneur.

On s’est empressé de livrer à l’ennemi les forts de Paris qui étaient restés intacts devant leur bombardement formidable. Cette livraison inconcevable met la France et l’Assemblée dans l’impossibilité de refuser le traité, quelque diabolique qu’il soit. Officiellement, nous ne savons rien ; mais officieusement nous savons que l’armée est désarmée et prisonnière dans Paris ; que les forts sont livrés aux Prussiens, avec tout leur matériel immense ; que l’Alsace et la Lorraine appartiennent à la Prusse ; que la Champagne leur est abandonnée provisoirement jusqu’à l’exécution complète du traité ; que nous leur payerons trois milliards d’indemnité et que nous leur livrons vingt vaisseaux de guerre tout équipés. – Voilà ce que disent, dans Auray, les voyageurs qui passent. Une telle iniquité peut-elle être acceptée par les États civilisés de l’Europe, au profit d’une nation barbare et sauvage ? Et de quel droit Jules Favre, méchant avocat, ose-t-il repré senter