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Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/295

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deux lieues à l’heure ; de plus, on ne trouve pas à manger, pas même du pain ; les Ch***, quand ils sont venus à Auray, de Laval ou du Mans, ont été vingt-cinq heures sans pouvoir trouver un morceau de pain…. Nous voici du moins avec une grande bonne majorité à la Chambre ; la paix sera bientôt conclue et la Chambre remettra de Tordre dans l’administration ; peut-être appellera-t-elle une monarchie qui achèvera de rétablir la paix à l’intérieur… Le pauvre curé de Ray a été horriblement maltraité pour avoir eu la sottise de garder le fusil du hulan trouvé mourant sur la route. On l’a battu, déchiré, traîné à pied pendant onze lieues sans manger ; sa maison a été pillée ; tous ses meubles et effets brisés, volés. Tout Ray a été traité de même, mais pas B.-T. dont le maire a été aussi emmené et rossé ; pour celui-là, c’est bien fait. Émile a été chercher le pauvre curé, revenu chez lui deux jours après, dans un état déplorable, la tête enflée comme un boisseau, et ne trouvant plus rien ni personne chez lui; il l’a emmené à Livet; c’est très bien à Émile. Adieu, chère enfant.



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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Kermadio, 23 février 1871.


Chère petite, je te remercie de ta longue lettre fort intéressante. On dit que la paix est signée à des conditions inespérées. L’Alsace et la Lorraine formeront un pays neutre comme la Suisse, et une indemnité de guerre de deux milliards, en défalquant