Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/36

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faute d’une chambre de domestique en plus. Grâce à Dieu et à Émile, il n’en a pas été ainsi et tu es définitivement établie, pouvant jouir de tes meubles, t’arranger commodément, déployer tes belles et bonnes choses, t’amuser à contempler tes possessions, faire usage de ton linge, de ton argenterie, etc., regarder l’heure à la belle pendule de Jean, régaler tes amis dans le beau thé de Zoé et éblouir les regards avec les belles casseroles et les superbes plats de Victor. Vous serez chez vous et vous prendrez intérêt à vos affaires ; tu pourras dire avec fierté : « Je suis dans mes meubles ». L’hiver s’annonce horrible comme froid ; déjà on gèle quoiqu’il ne gèle pas ; le confortable anglais laisse passer le vent et l’air par toutes les portes, par toutes les fenêtres ; c’est affreux ! Je vois depuis que j’y suis que ce confortable si vanté est tout pour les yeux ; misère et vanité ; vous avez des conduits d’eau partout, des tapis partout, des commodités partout, des baignoires partout, et vous gelez faute de clôture des portes et fenêtres ; vous vous baignez dans l’eau froide, faute de possibilité de chauffer l’eau qui doit chauffer toute seule par le feu de la cuisine et qui reste froide. Vos pieds sont glacés, faute de pouvoir les réchauffer au feu inabordable des cheminées ; et ainsi pour tout. Les meubles sont incommodes, les lits exécrables, des punaises partout, de la saleté en tout ce qui ne se voit pas ; en somme, Londres est un lieu détestable à habiter ; je ne comprends pas que Paul et Nathalie s’y plaisent. Il est vrai qu’on y est comme à la campagne, c’est un avantage. Adieu,