Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

engager, disant qu’elle ne veut pas se perdre[1], ni passer la nuit dans les bois[2], et, malgré les instances des petites, elle les ramène par la grande route au petit pas d’entorse et leur fait recevoir sur le dos, couvert de leur simple robe, toute l’humidité du bas de l’herbage. Tu sais, hélas! que l’inquiétude me porte à la colère[3] et je lui ai crûment dit que lorsqu’on ne connaissait pas un pays, on ne devait pas diriger, mais se laisser mener, et qu’à l’avenir je ne laisserais pas les petites aller au loin avec elle. Le fait est que j’ai toussé comme un loup, que j’ai retranspiré, étouffé, et que je me suis mis un vésicatoire à dix heures. Depuis qu’il pique, je vais mieux; l’oppression diminue et la toux aussi. Les petites sont bien fâchées de ne pas te voir. Comment fais-tu pour faire promener les enfans, s’il n’y a pas un arbre dans le pays? Ils doivent s’ennuyer à mourir, les pauvres petits!… Adieu, ma chère petite. J’ai envoyé ton intéressante lettre à ton père.



――――


À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Les Nouettes, 19 août 1859.

Chère petite, pour me débarrasser de moi-même, je te dirai d’abord que je vais beaucoup mieux,

  1. C’eût été aussi difficile que de s’égarer des Tuileries à la place dé la Concorde.
  2. Dans un bois d’un hectare, au bord d’une grande route!…
  3. La seule fois de sa vie où ma mère m’ait fortement grondée, c’est lorsqu’un orage m’a fait rentrer en retard, forcée que j’avais été de m’arrêter en route.