Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/73

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les laissant ni courir ni jouer, parce quelles sont trop grandes ; leur défendant d’entrer dans le bois de bouleaux, parce qu’elles pourraient se perdre[1] ; ordonnant à Madeleine de rester près de Camille pendant que celle-ci écrit à Nathalie (en récréation), parce que deux sœurs ne doivent pas se quitter, et tout à l’avenant, de sorte que je les prends le plus possible chez moi pour les délivrer de ce joug insupportable. J’allais mieux, comme je te l’ai mandé, lorsqu’une bêtise de cette sotte femme m’a replongée dans mon état d’il y a huit jours et m’a obligée de remettre un vésicatoire sur la poitrine. Je voulais les envoyer se promener hier après dîner à sept heures avec Julie pour leur faire prendre de l’exercice. Mme R… insiste pour les accompagner, et, de peur de la blesser, je cède malgré l’entorse dont elle se plaint de souffrir encore. Elles partent par la grande route pour revenir par le chemin de l’église vers huit heures. Huit heures sonnent, personne ; l’inquiétude me gagne, l’humidité commence. J’envoie Baptiste au-devant d’elles avec des shals. Huit heures un quart, personne ; la nuit approche. Je sors, j’écoute ; j’avance et enfin, effrayée de ce retard, je vais dans les champs, appelant, criant ; à huit heures et demie j’entends répondre du côté du grand herbage ; je reviens essoufflée et tremblante ; Camille et Madeleine accourent au-devant de moi, furieuses et désolées. Arrivée au chemin qui monte dans les champs, Mme R… avait refusé de s’y

  1. Ce qui eût été aussi difficile que dans un square à Paris.