Page:Segur - Pauvre Blaise.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

savoir la vérité, dites-vous bien tous les deux que je vous ai pardonnés, sincèrement pardonnés. »

Et Blaise ouvrit la porte, sortit et la referma avant que le comte fût revenu de sa stupéfaction.

Après le départ de Blaise, le comte resta longtemps pensif, regardant souvent Jules, dont l’attitude embarrassée et l’air craintif indiquaient une mauvaise conscience.

« Jules, dit enfin le comte en s’asseyant près de lui ; Jules, je t’en conjure, dis-moi la vérité. Je te pardonne d’avance ; dis-moi si Blaise est innocent et si tu l’as calomnié par un premier mouvement d’humeur et de dépit. Dis-moi la vérité ; quelque chose me dit que Blaise a raison et que tu me trompes. »

Jules avait été fort embarrassé aux premières paroles de son père ; car lui-même commençait à avoir parfois des remords de son injustice et de sa cruauté envers le pauvre Blaise ; mais la crainte de perdre la confiance du comte, de ne plus être cru dans l’avenir, arrêta l’aveu prêt à lui échapper, et il dit d’une voix basse et hésitante :

« En vérité, papa, je ne sais pas pourquoi vous croyez que je mens, et pourquoi vous ajoutez foi aux impertinentes paroles de Blaise et pas aux miennes ; je suis votre fils pourtant, et lui n’est qu’un fils de portier, un paysan.

— C’est vrai, Jules, mais il y a dans ses yeux,