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LE NOTAIRE JOFRIAU

Sous la paternelle et clairvoyante direction de son éducateur, le caractère de Michel Jofriau se dessina. Franc, honnête et droit comme son père, il avait surtout hérité du tempérament maternel, doux, affectueux et sensible. Sa nature plus délicate le rendait plus affiné que ses frères. Dès son enfance, et à mesure qu’il grandissait, il vivait dans une plus grande intimité avec sa mère, délaissant les jeux bruyants et aventureux des autres enfants. La semence jetée par le pasteur dévoué et cultivé tombait donc dans une terre bien préparée pour la recevoir. Aucune difficulté ne rebutait l’élève qui brûla les étapes, à la grande satisfaction du professeur. L’étude du latin fut une source de ravissement pour Michel. Souvent le dimanche après-midi, il s’en allait, les cheveux au vent, l’Énéide sous le bras, s’asseoir sous les grands arbres qui avaient prêté leur ombre à ses premiers jours.

Au milieu de ces frais et tranquilles paysages, il se perdait dans la pénétration des chants virgiliens et se grisait des accents inspirés du poète dont l’âme parlait à la sienne un langage si doux. Avec les années, sa nature en même temps sentimentale et ardente s’accentua, décelant des inclinations qui firent, petit à petit, sombrer l’espoir d’abord caressé par le curé de voir Michel entrer dans les Ordres. Celui-ci avait gardé une filiale et profonde confiance en son précepteur. Mais, depuis quelques mois, son cœur