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LE NOTAIRE JOFRIAU

tout cela avait mûri Michel. Ses traits avaient perdu de cette grâce adolescente qui les caractérisait encore à son arrivée ; il s’était virilisé, tandis que toute sa personne acquérait une souplesse élégante. Au moral, il avait gardé l’extrême sensibilité, la mélancolie douce et la délicatesse d’esprit qu’il tenait de sa mère. L’hérédité paternelle, toute de patience, de mutisme et d’énergie tenace tempérait ses élans de sentimentalité. Et ces contrastes de sa nature, venant de cette double et si diverse ascendance, donnaient au jeune homme un charme puissant auquel personne ne résistait, pas même Suzanne, quoiqu’elle s’en défendît.

Michel était loin d’approuver toutes les excentricités et surtout les opiniâtretés de sa cousine. Souvent, des protestations lui venaient aux lèvres devant les exigences tyranniques de la jeune fille et, sa façon de dompter la moindre résistance de ses parents. Mais le culte qu’il avait voué à son oncle, sa réelle affection pour sa tante Armelle lui fermaient la bouche et lui faisaient supporter sans récriminations, les nombreuses escarmouches dont il était lui-même la victime.

Par un clair matin d’avril, il avait pris la route la plus longue pour se rendre à son travail. Le printemps mettait dans l’air tiède une joie latente, un goût vague de flânerie qui gonflaient le cœur et alanguissaient un peu la volonté. Michel songeait au Canada