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LE NOTAIRE JOFRIAU

que les aristocratiques danseurs qui s’empressaient autour d’elle. Elle fut surprise, puis charmée de plus en plus. La froideur de son cousin qui l’avait irritée lui faisait peine maintenant. Bref, sans qu’elle le soupçonna, un sentiment étrange et doux s’empara de son cœur et la rendait insensiblement l’esclave de celui qu’elle avait décidé d’asservir. Elle saisit toutes les occasions possibles d’être près de Michel, lui prodigua mille grâces coquettes, chercha de plus en plus sa compagnie.

Le jeune canadien s’aperçut bientôt qu’un changement se produisait chez sa cousine qui devenait plus douce et d’autant plus charmante. Mais jamais la pensée ne lui serait venue qu’il était responsable de cette métamorphose ; il resta déférent, amical et condescendant pour Suzanne, continuant d’avoir pour elle des attentions de grand frère qui enchantaient monsieur Duval-Chesnay. Mais son cœur n’alla pas plus loin. Michel aimait toujours la solitude et lui réservait ses meilleurs instants malgré les velléités de Suzanne qui désirait « civiliser ce sauvage » comme elle disait. Il restait fidèle à ses habitudes de petit garçon. Car jadis, quand ses frères, en bande joyeuse, suivaient leur père aux champs et s’initiaient déjà au mystérieux travail de la terre, Michel restait auprès d’Anne. Il avait un goût marqué pour les beaux livres envoyés de France par les grands-parents, et il passait de longues heures à les feuilleter. Ou, penché sur la margelle du puits, il demeurait à rêver, suivant