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LE NOTAIRE JOFRIAU

dis que ses yeux se posaient sans les voir sur les objets qui l’environnaient. Quand il ramena son regard vers la jeune fille, il la vit palpitante, les paupières closes, ses longs cils décrivant un joli cercle ambré sur ses joues. Michel sentit de nouveau une émotion profonde lui dilater le cœur. Pourtant il se ressaisit et, le premier, il rompit le silence troublant. Il prononça, très bas :

— Vous êtes bonne, Suzie, et vous me dédommagez de vos malices de naguère par ces affectueuses paroles.

— N’oublierez-vous donc jamais cela ?

— Pardonnez-moi ce rappel, je vous promets qu’il ne reviendra plus sur mes lèvres ni même dans ma pensée.

— Merci, mon ami… Alors, c’est donc irrémédiable, Michel, vous retournerez vers votre pays de neige ?

— Ne dites pas cela, Suzie, vous ne le connaissez pas mon pays de neige. Toutes les saisons y ont leur charme. Cet hiver dont on médit ne dure que quelques mois. La paix reposante des prairies blanches où semblent étinceler des cristaux, les toits couverts de neige immaculée, les chemins durcis qui craquent sous les pas possèdent un charme vivifiant : c’est le sommeil de la terre nécessaire à sa fécondité et au repos de ceux qui en tirent leur pain. Que peut-il en dire celui qui n’a pas assisté à notre printemps, quand