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LE NOTAIRE JOFRIAU

chênes. Ce vaste lopin de terre qui constitue la propriété des Jofriau et le riant panorama qui l’environne, c’est sa patrie ! Pourrait-il vivre éloigné de ce coin béni ?…

Michel venait de sonder son cœur ; l’emprise de sa jolie cousine n’était pas assez puissante ; l’amour des siens et de son pays en avait à jamais triomphé !

Le printemps mit l’âme de Michel en fête : un mois plus tard il serait en possession de ses titres dont la demande était en cours ; dans deux mois il s’embarquerait. « Le Saint-Joseph », qui mettait à la voile pour Québec le quinze juin, l’emporterait vers son pays. Une joie anticipée lui faisait battre le cœur.

Suzanne, au contraire, voyait arriver ce moment avec désespérance. Encouragée par les attentions affectueuses de son cousin, de jour en jour elle s’était épanouie. Si Michel résistait à sa séduction, elle en attirait d’autres et sa main avait été demandée à monsieur Duval-Chesnay. La jeune fille, pour refuser les prétendants, avait prétexté son désir de prolonger l’existence si douce que lui faisait ses parents. Des partis brillants furent vite évincés. Jamais le notaire n’eut pu songer à suivre la coutume des familles françaises qui choisissaient un mari pour leurs filles et bâclaient les mariages sans se soucier de l’inclination ou des répugnances de la fiancée. En cette question comme en toute autre, la volonté de Suzanne demeura omnipotente et incontestée.