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LE NOTAIRE JOFRIAU
mon âme : aujourd’hui Michel m’a regardée avec, dans ses yeux, cette douceur que j’aime à voir. Que signifie-t-elle ? Suis-je dans l’erreur en l’attribuant à l’amour ? »

Brusquement, il cessa de lire et replaça dans le livre les feuilles couvertes de l’écriture qu’il connaissait bien. Bouleversé par la certitude qu’il venait d’acquérir et qu’il avait redoutée, il murmura : « Hélas ! vais-je donc causer du chagrin à tous ceux qui ont été si généreux pour moi ? Mon Dieu, n’ajoutez pas à leur souffrance et détournez de moi le cœur de Suzie. »

Pas un instant, Michel ne crut que Suzanne avait mis ces pages à dessein dans le volume qu’elle lui avait prêté : il la savait au-dessus de ces manœuvres, et il chercha un moyen de les remettre sans que la jeune fille put croire qu’il avait surpris son secret. Mais il résolut d’avancer son départ, soucieux qu’il était d’assurer le repos de Suzanne.

Quand j’aurai passé l’océan, pensait-il, elle oubliera cette flamme passagère et son cœur s’attachera au parti brillant qu’elle est en droit d’attendre. Quel piètre mari ferait le modeste garçon que je suis, pour une grande dame comme elle ? Et quelle erreur serait la mienne de me laisser aller au courant qui, je l’avoue, m’entraîne vers cette femme ravissante ?

En dépit des supplications de toute la famille et