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LE NOTAIRE JOFRIAU

le malheur arrivé au notaire Jofriau ; d’aucuns se fâchaient tout rouge aussi contre le voleur :

— Ah ! le gueux, si je l’empoignais !

Et les honnêtes poings calleux et musclés se serraient, faisant le geste d’étrangler. Mais le temps s’écoula, atténuant les premières impressions ; on en vint à ne plus parler du vol ou presque plus. Puis un malaise inavoué succéda à cette apathie ; il se traduisit par des sous-entendus, des haussements d’épaule ou des hochements de tête. Le sujet fut repris, les dimanches de l’été suivant, après la messe paroissiale. Car c’est à ce moment que la classe rurale se rassemble et cause : les jours de semaine, les cultivateurs levés avec le jour et couchés tôt, n’ont pas le loisir de perdre des instants que la terre réclame et dont elle est jalouse. Aussitôt la cérémonie dominicale finie et la foule des paroissiens endimanchés répandue hors de l’église, partout, sur le porche, on causait de l’affaire. Par groupes de deux ou trois, les hommes s’entretenaient :

— Y-a-t’y quéque chose de nouveau pour l’argent volé chez le notaire, Prime ?

— Du nouveau ?… moi je pense qu’y en aura jamais, Toussaint.

— C’est égal, mais c’est pas mal curieux ce vol là. C’est toujours pas les âmes qui sont venues se servir. On le dirait quasiment.