Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/21

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vous aviez commencé vivement, vous le détruisez avec une passion nouvelle. Vous voulez des choses choisies, mais vous les voudriez encore mal connues. Quand elles arrivent, quand elles sont à vous, cette vue presque exacte, cette sorte de réalité vous blesse ou vous afflige ; vous ne pourriez soutenir l’aspect d’un monde sans prestige.

Cependant les inclinations de l’homme sont vagues sous plusieurs rapports ; il est même susceptible d’habitudes opposées. Si on rassemblait avec discernement ce qui fut effectué parmi les divers peuples, on pourrait en former un ensemble meilleur que les institutions générales essayées jusqu’à nos jours. Les premiers âges de l’Orient, plus calmes, dit-on, semblent avoir eu plus de grandeur et de simplicité. Peut-être aussi, avec des moyens nouveaux, la raison, chez les races futures, triomphera-t-elle des opinions établies durant une longue ignorance. Quelquefois, dans les siècles dont nous avons les annales, des choses imposantes ont été faites pour ménager les préjugés, ou pour contenter les fantaisies des personnages puissans ; mais, lorsque des hommes de génie ont voulu indiquer une ombre de félicité sociale, qui les a secondés ?

Nous n’avons choisi ni le lieu ni le temps où nous devions paraître. De qui serons-nous écoutés