Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/44

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que ce n’est pas un corps, c’est nécessairement un esprit. Ces conclusions auront paru consolantes, mais le raisonnement qui les amène est défectueux jusqu’à l’absurdité.

Ainsi de certaines erreurs seront palpables, et pourtant des vérités importantes resteront inconnues. Il faut douter ; il faut se garder de dire aux autres, d’une manière affirmative, ce qu’on ne peut savoir soi-même. Il en sera autrement lorsque nous nous attacherons à la seule science humaine, à la morale. Nous n’aurons plus besoin, par exemple, d’admettre deux principes opposés, ou d’expliquer l’univers formé naguère, créé pour un temps, et coupant ainsi en trois parts l’indivisible éternité.

On ne peut rien distinguer dans l’essence des êtres, mais on pourra se faire quelque idée juste des relations qui doivent exister entre les hommes. C’est là que nous rencontrons une lumière disposée pour nos organes ; c’est là qu’il nous est donné, du moins en partie, de découvrir, de raisonner, de prononcer. Lorsqu’en appréciant des différences nous nous bornons à l’impression que les choses peuvent faire, nous obtenons des résultats favorables ; mais presque tout nous manque dès que nous voulons supputer d’autres rapports. Pour comparer exactement