Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/43

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corps élémentaire, elle en dispose souverainement. Sans jamais les reproduire ou les supprimer, elle les pénètre et les agite ; elle les divise et en combine les nouvelles agglomérations. C’est moins une toute-puissance qu’une industrie limitée par la seule inaptitude des êtres, ou une alchimie sublime, que l’homme appelle surnaturelle, parce qu’il n’en comprend pas les lois.

Mais quelque idée ou, si on veut, quelque doctrine que nous préférions, une chose sera difficile à concevoir, c’est que des hommes qui reconnaissent en eux une force active et intelligente se persuadent qu’ils n’existe pas une volonté irrésistible, source générale de la vie, un principe intellectuel. C’est une extrême inconséquence de supposer le monde plus aveugle que nous, frêles produits de quelque parcelle du monde.

Si toutefois on ose décider que la pensée est un être à part, ne s’expose-t-on pas à prendre une faculté pour une substance ? Il se peut que l’ame existe de cette manière ; mais nous ne saurions en fournir aucune preuve. La pensée, dit-on, n’est pas un corps, un être physiquement divisible ; ainsi le temps ne la détruira pas. Elle a commencé pourtant, continue-t-on, mais elle ne saurait finir, et, puis-