Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/52

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sauraient percevoir aucun objet ; ils ne peuvent pas même se sentir, puisqu’il ne se fait pas de changement en eux. Mais aussitôt qu’ils se réunissent, cet ensemble doit varier, soit par l’acquisition, soit par la soustraction, ou les déplacemens, et s’il est doué d’une organisation vivante, elle occasionera en lui des mouvemens volontaires. Si ce composé est formé d’un grand nombre de molécules, chaque atteinte n’en changera que très-partiellement la disposition, et lorsqu’il sera fortement constitué, de nouvelles secousses pourront ne pas effacer l’impression première. Quelquefois chaque altération détruisant peu de chose en comparaison de ce qu’elle laisse subsister, le corps animé conserve de nombreuses traces des sensations antérieures. Si l’émotion récente n’est jamais assez vive pour absorber entièrement la faculté de sentir, on peut évaluer ou comparer des perceptions successives reproduites par le souvenir ; on devient capable de discernement, de choix, d’aversion, et bientôt de prévoyance dans plusieurs desseins.

Tout désir est le sentiment d’un besoin, et tout besoin passager est une expression du besoin durable de continuer à être. Les désirs particuliers de repos, de mouvement, de reproduction, de nourriture, surviendront selon que le besoin perpétuel aura