Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/56

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suite de succès peuvent rendre confiant, exigeant, téméraire. Ni cette audace, ni cette défiance ne résultent uniquement peut-être de l’épreuve déjà subie ; ces dispositions paraissent annoncer notre destinée, comme si nous la pressentions, comme si notre humeur s’y conformait par un concours irréfléchi. Serait-il vrai de dire que ce n’est point le bonheur qui produit la confiance, et qu’elle n’ouvre pas non plus les voies de la prospérité ? L’audace serait naturelle aux hommes que le sort favoriserait ensuite. Ils seraient entreprenans parce que, dans une suite d’années, tout devrait leur réussir ; mais ceux-là seraient formés circonspects, à qui seraient destinés de grands revers ou d’opiniâtres contrariétés.

Une volonté forte, assure-t-on, commande aux événemens. On devrait se borner à observer que cette apparence existe. Naturellement nous sommes disposés à voir ainsi ; mais il se peut qu’une volonté forte ait seulement pour objet ce qui arrivera. Suscitée par des circonstances graves, quelquefois elle continuera, indépendamment de nous, pour ainsi dire, à s’accorder avec les différens produits de l’organisation générale. S’il en est autrement, pourquoi cette volonté si féconde, cette inébranlable assurance est-elle ensuite arrêtée par un obstacle vulgaire ? Pourquoi les desseins du capitaine qui savait