peut l’être, autant qu’il est bon que l’homme le soit ; il maîtrise ses sensations ou se les déguise à lui-même. Il ne paroît jamais vaincu, ce n’est pas qu’il soit toujours supérieur à ses ennemis constans ; il peut ne pas vaincre, mais il ne sauroit être asservi ; il n’est maître absolu ni des choses, ni des sensations qu’il en reçoit, ni de l’habitude de ses organes : cependant il paroît l’être, parce que dès qu’il agit, il agit en maître de lui-même. Comme être actif, il est toujours indépendant, toujours égal ; comme être passif, il ne sauroit l’être.
Un grand génie, une ame magnanime peuvent se trouver dans un corps foible ; une ame inébranlable, ne s’y trouve pas. Un tel homme sera fort contre les grands maux, et souvent foible contre les moindres contradictions ; il franchira les plus puissans obstacles, et sa marche n’en sera que plus fière ; de légères entraves le fatigueront, et il sera rebuté sans que l’on voie même ce qu’il avoit à combattre. Cette disproportion entre le choc et la résistance, n’a rien de contradictoire ; on est fatigué par un ennemi foible qui harcèle sans cesse, parce que l’on n’a pas rassemblé contre lui ses forces : le mépris que l’on faisoit de sa foiblesse, lui a donné par