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Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/117

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entre toutes les forces de la nature, une sorte d’équilibre qui modère les unes pour ne pas détruire les autres. Dans leurs oscillations une impulsion trop grande produit une réaction inévitable. Une tristesse accablante suivra la joie immodérée ; l’action est convulsive, le repos sera léthargique…

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… L’on ne voit pas, l’on ne veut pas voir qu’il n’est qu’une joie durable, ce bien-être que donnent seules la paix intérieure et une santé toujours jeune. En changeant ce sentiment d’une volupté tranquille pour une joie plus vive, plus animée, l’on détruit à jamais en soi l’aptitude au bonheur[1].

  1. C’est à ces sources trompeuses d’un plaisir vain et destructeur, et plus particulièrement sans doute aux boissons théïformes, que nous devons ces affections nerveuses, ces maladies de langueur et de consomption, malheur d’une portion du globe. Les nerfs dépouillés du sorte de revêtement qui peut-être les nourrit, du moins les maintient et les protège, contractent une habitude d’irritabilité qui fait le malheur d’une vie languissante, foible, pusillanime, lassée de toutes choses et d’elle-même. Quel état plus pénible que l’agitation dans l’épuisement, et la sensibilité dans la langueur ; que d’être toujours mu sans pouvoir presque se mouvoir soi-même ; que d’être toujours dépendant, toujours impuissant, et d’avoir perdu, jeune encore, les moteurs de la vie.