Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/130

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ment[1], la philosophie elle-même m’a trompé.

La vraie philosophie ne peut ni tromper ni affliger. Seule voie actuelle de vérité et de bonheur, elle est à la fois et le plus doux et le plus puissant modérateur de la vie ; mais ne pensons pas qu’elle puisse être elle-même ab-

  1. Et ce malheur individuel de corrompre en soi jusqu’aux moyens mêmes d’amélioration, produira, cette calamité publique d’accuser, d’abandonner, de mépriser la recherche du vrai, le choix des principes, les vertus raisonnées, tout bien systématique, toutes voies de régénération.

    Ainsi jugeant les principes les plus purs par leur application fausse ou perfide ; les moyens les plus convenables à l’homme de bien par les résultats accidentels qu’en ont tiré ceux qui abusent de tout ; la raison la plus détrompée selon les conséquences déduites par des hommes prévenus ou insensés ; et ce qu’il y a de plus grand et de plus inviolable parmi les mortels, par l’usage insidieux et profane qu’en font les plus vils et les plus déboutés des méchans ; transportant cette plante superbe et féconde dans une terre épuisée, ou prodiguant ces alimens gênéreux à des estomacs dévorés de levains putrides et corrupteurs, l’on en vient à ce point de découragement et de démence de dire enfin : les hommes seront toujours ce qu’ils sont maintenant ; toute législation philosophique est impossible, puisqu’elle